Namaste !
Voilà bientôt un mois que je suis arrivée en Inde,
et j’ai beaucoup à vous raconter. Toutefois, avant toute chose, je pense qu’un
petit récapitulatif est de mise. Qu’est-ce que je fais là ? Comment je
suis partie ? Ma décision était-elle réfléchie ? Bref, tout un tas de
questions qu’on me pose régulièrement et auxquelles je compte répondre brièvement.
I have been
in India for a month and have sooooo many things to tell. Some people have
asked me questions about the reason for my being here, what I am doing, how I am
staying… Here are the answers!
Alors que je me préparais psychologiquement à
enchainer mon Master de recherches avec l’agrégation d’anglais, et que je m’imprégnais
de la future merde qu’allait être mon existence, une petite étoile a décidé de
briller juste au-dessus de ma tête. Un matin froid de Février, j’ai ouvert mes
mails et ai trouvé une offre d’emploi : l’Institut Français en Inde recherchait des lecteurs, et était prêt à
recruter des jeunes formés non seulement en Français Langue Etrangère, mais
aussi des linguistes, des chercheurs ect… Une petite année auparavant, j’aurais
à peine posé les yeux sur un tel message, sachant pertinemment que ma santé
physique et mentale ne m’aurait pas permis d’imaginer une telle expérience. Ce
mois de Février pourtant, bien que tout juste sortie de la brume d’un important
burn-out, j’ai vu ce mail comme une main tendue du ciel. Ni une ni deux, j’ai
téléphoné à mes proches, leur expliquant la situation, et leur ai demandé
conseil : était-ce complètement fou de ma part de vouloir postuler ?
Allais-je m’engouffrer dans une impasse qui me ferait sombrer à nouveau ?
Le temps manquait à la réflexion, en effet, bien que mise au courant à la
mi-Février, il fallait rendre un dossier de candidature complet à la fin du
mois, autrement dit, quinze jours plus tard. Pour faire court, j’ai passé deux
coups de téléphone, réfléchi une après-midi, et le lendemain ma décision était
prise. Comme lors de ma folle et insouciante jeunesse, j’ai oublié ma trouille
et j’ai juste suivi mon instinct, en attendant de voir ce que le destin me
réserverait. Mars est passé, et je n’ai eu aucune réponse. Avril, pareil. Mai, toujours
rien. Et le 28 Mai, un message, m’indiquant que j’avais été sélectionnée et que
je devais passer un entretien Skype le lendemain. Long story short, j’ai été
prise, et deux mois plus tard je devais me trouver à Delhi pour une formation.
Ah, et oui, petit détail : j’ai été recrutée comme tutrice de français
dans une université située au sud de Chennai.
In the middle
of my second year of masters, while I was writing my thesis and preparing my
future, I received an email from the French Institute in India. Persuaded that I
would spend the next year sweating and crying over the preparation of the English
Agrégation, I saw this message as a sign of fate. The people of the French
Institute were looking for candidates to teach and promote the French language
in Indian Universities. All of it was super unexpected, and kind of crazy to
think of, so I called my mom and my boyfriend, asking them if I was mad to
apply or if I should just go for it. It took me a few hours to make up my mind
and to decide that I would send my application and just wait for the result. I
had nothing to lose, was I not accepted, I had other plans. A short three
months after sending my file, I got an email informing me that I had been selected
for a Skype interview the next day. The interview went really well and I got
told that I had to be in New Delhi in two months. Was I ready? No. Was I anxious ?
Not at all. I took it super smoothly, considering I had sign to
spend the next 9 months of my life in a completely different universe. I let
everything that went wrong before behind me, and decided to go back on an
adventure with myself. I would spend this new year in the South East of India,
in the wonderful city of Chennai, and I was so ready for it.
Voilà pour ça. Les deux mois sont passés à une
vitesse incroyable, et sans même réaliser ce qui était en train de m’arriver,
je me suis retrouvée dans un avion direction Abu Dhabi puis New Delhi. Contrairement
au Canada, où les larmes ont coulé, non pas juste pour les adieux, mais pendant
un bon gros mois après mon arrivée, je n’ai pas pleuré (vous pouvez m’applaudir)
en quittant la femme de ma vie, j’ai nommé ma mère, à l’aéroport. L’angoisse,
elle-aussi, était aux abonnés absents, tout comme l’excitation. J’étais
extrêmement sereine de partir pour cette nouvelle aventure, et je ne me suis
fait aucun film au préalable. Comme ça, je m’assurais avec certitude la
surprise, et non la déception. Je sentais au plus profond de moi que c’était le
moment, mon moment, et qu’il était temps de tourner la page des douloureuses
années passées, et d’avancer vers un horizon inconnu.
Dix-huit heures de voyage plus tard, je suis
arrivée, fatiguée, dans la chaleur, la moiteur, l’odeur et le bruit de la
capitale indienne. A peine sortie des douanes, j’ai été efficace en m’achetant
une carte sim et en prépayant un taxi direction l’hôtel. Là encore, j’étais
très calme, un peu comme si mon cerveau s’était mis en auto-hypnose et avait
décidé de prendre chaque chose à la fois. Une fois à l’hôtel, j’ai rencontré
les autres lecteurs et nous avons pu suivre une formation de trois jours à l’Institut
Français afin d’en savoir plus sur la vie indienne, nos futurs établissements,
nos missions d’enseignants et notre rôle d’ambassadeurs et ambassadrices de la France.
Le stage d’accueil terminé, pas le temps d’niaiser, chacun a pris son avion en
direction de sa ville d’affectation.
Back in 2015
I decided to go and live in Canada, I had so many dreams in mind, so many
expectations that happened to fall apart when I arrived and realized they were
just dust in the reality of things. Even if I keep a good memory of the year I spent
in Québec, my heart keeps the bittersweet taste of sadness, anxiety and
remembers all the hard stuff I had to go through at only 22. Three years later,
I feel like I had more tools to face the future, and more maturity to go
through life in a healthier way. The past two years shaped me, drove me to dark
places and showed me that the important stuff in life are not always those we
think about first. So, after taking the decision to leave France, I kept in mind
to forget about expectations, anxiety, excitement or anything of the matter,
and just to focus on the here and now. I learnt how to take things one after
the other and to just live the moment. Tomorrow’s not here yet.
I arrived in
the sweaty, messy and loud city of Delhi after travelling for 18 hours
straight. I was tired and smelt really bad, but I was happy to be here. I took
a taxi from the airport to the hotel, had a shower, a good night sleep and was
ready to take on the next day as a pro. The French Institute had planned a
3-day orientation program for its tutors before sending them into the wild.
After that, each and every one of us would be on their own to deal with their
job and life.
Chennai, Jeudi 2
Août 2018, 23 heures.
Accueillie par Anthony (un employé de l’université)
à l’aéroport, j’ai pris la route pour mon nouveau chez moi. A moitié endormie
et gelée par la clim de la Jeep, j’ai découvert mon appartement tout confort,
peint d’un horrible bleu (genre celui qu’on retrouve dans les tubes de gouache)
avec des rideaux assortis. Non sans rire, en dehors de la couleur atroce, j’adore cet endroit, et je réalise la chance que j'ai d'être logée ici. C’est le plus grand appartement
que j’ai eu en sept ans !! J’ai la clim et un ventilateur au plafond, que
j’utilise tous les jours (même si je dois avouer avoir un peu peur qu’il me
tombe sur la tête) ce qui est, je vous assure, le plus important ici. En
ouvrant la porte de ma salle de bains, j’ai eu le plaisir de retrouver des
souvenirs du Vietnam : un grand seau, une coupelle, et voilà une douche !
Pas d’eau chaude, et une petite famille de rongeurs installée entre la
moustiquaire et la persienne. Tous ces éléments réunis ont eu raison de moi, et
j’ai décidé, telle une crasseuse, de me coucher sans me laver autre chose que
les mains, les dents et les pieds ; le reste pouvait attendre le
lendemain.
Parlons-en, tiens, du lendemain. Persuadée de me
faire embarquer pour un simple petit déjeuner par le fameux Anthony, je suis
sortie de ma chambre (propre) avec un jean, un tee-shirt, mes Birkenstock de
néerlandaise au camping, et une face similaire à celle des rats de ma SDB. Mauvais
choix, très très mauvais choix. En sortant, on m’a présenté à ma boss, qui m’a
elle-même emmenée manger. Pour la bonne première impression on repassera. Par
la suite elle m’a montré mon bureau, le département, et m’a confiée aux soins
de ma collègue française pour la visite des locaux et autres hauts lieux de l’administration.
I arrived in
Chennai on August 2d and was picked up by a guy from my university at the
airport. After a long drive in what seemed to be the bumpiest desert ever, we
arrived on the campus, and at my new place. I was seriously exhausted and glad
to be there, but when I realized the shower was not working, that I had to sit
under the tap and wash myself with cold water, I just gave up. Hands, teeth,
feet, and the rest would wait; I went to bed and slept like a babe. The next
day, I was taken to breakfast by Anthony (the guy who picked me up) and
presented to my boss. I did not plan to meet her right away, neither did I plan
to spend the whole day at the office: I was dressed like a German tourist, with
a bun on top of my head, no makeup and a good old pair of Birkenstock to my
feet. Let’s pray the boss does not care much for 1rst impression. I discovered the campus, my office and all the buildings. Everything is is
super nice here: very green and clean (compared to everywhere else) and I loveto be able to walk freely from one block to the other.
Le campus est agréable, il est très vert et tout
est accessible à pieds, ce qui est fabuleux. Au centre se trouve la cantine,
bruyante et plus chaude qu’un four, dans laquelle je déjeune chaque midi de
semaine. Je ne suis pas difficile, donc je trouve que tout est super bon ;
les épices indiennes sont extraordinaires et donnent un gout fameux à n’importe
quel plat. Pour ce qui est de l’eau, on la trouve en bidons dans des
distributeurs un peu partout, donc pas besoin de ruiner la planète en
bouteilles plastiques. Dans le cas où certains seraient curieux de connaitre la
situation de mon système digestif, sachez que TOUT VA BIEN. J’ai fait quelques
cacas mous les premières semaines, mais rien de méchant, et les choses sont
rentrées dans l’ordre.
J’ai donné mes premiers cours la semaine qui a suivi
mon arrivée, et OMAGAD ça s’est tellement bien passé ! C’est comme si tous
les éléments étaient réunis pour rendre la classe géniale. Mes élèves sont
pleins de bonne volonté, ils sont vifs, curieux, intéressants et intéressés par
la langue française. De mon côté j’adore ce boulot, et je réalise qu’enseigner
est vraiment ce pour quoi je suis faite ; inutile de dire que j’adore
aussi mes étudiants, que je trouve tous plus touchants les uns que les autres. C’est
le rêve.
I gave my
first French lessons the week after my arrival, and everything went so well. I
was super glad to start teaching, and I could see that the students were really
motivated to learn more about the language and the culture. All of them are so
nice and so willing to do/be good, it amazes me. I feel like a fish back in
water after a few shitty years when nothing went the way I wanted them to go.
Teaching is so interesting, it is so refreshing to see yourself on the other
side of the class, and to feel like what you say is being heard and understood.
I am so glad to be able to help people know more about my country, and to initiate them to the beautiful French language. So yeah, of you’re looking for me, I’ll just be
on cloud 9, ok ?
En partant de France, je savais que les choses
allaient devenir drastiquement différentes de tout ce que je connaissais, et qu’il
faudrait donc que je m’adapte. C’est donc dans le plus grand des calmes que j’apprends
à apprivoiser ce nouveau quotidien. J’ai vite compris qu’ici il fallait s’armer
de patience et de beaucoup de recul dans tout ce que l’on entreprend, et j’applique
la règle telle une élève disciplinée. En Inde, les gens te passent devant pour
tout et surtout n’importe où, et particulièrement quand tu es une femme. Le
concept de queue n’existe pas, et c’est au plus vaillant que revient le passage
rapide. Il faut donc jouer des coudes, et ne pas se laisser faire. Ce pays est
une véritable fourmilière à l’intérieur de laquelle les ouvrières ne s’arrêtent
jamais. Les rues grouillent de monde, et le bruit ambiant se compose de coups
de klaxons divers et variés, car ici, l’angle mort n’existe pas, et on fait du
bruit pour signaler sa présence. Laissez-moi vous dire qu’il ne vaut mieux pas
que je conduise ici car une fois en France, je serai un danger public (encore
pire qu’avant). Les angles morts, c’est pas vraiment mon délire. Quoi d’autre ?
Ah, il n’y a pas de trottoirs, genre pas du tout. Nulle part. Les bords des
routes sont la poubelle du monde dans laquelle on retrouve tout et n’importe
quoi : de l’ordure ménagère à la bouse de vache, du chien mort, au tas de
plastique brûlé… L’idée lorsqu’on marche, c’est d’éviter de penser aux
éventuelles maladies qu’on pourrait attraper si on tombe, et de prier pour la
planète, y’a rien d’autre à faire. Au pays des vaches sacrées, ces dernières
sont partout. On sait, en partant en Inde qu’on en croisera dans les rues, mais,
je vous assure, c’est toujours impressionnant et drôle à la fois de marcher aux
côtés d’un groupe de copines à quatre pattes. Elles sont très zen dans ce
monde qui pourtant va à la vitesse de l’éclair, et vivent leur vie sans se soucier
de ce qui se passe autour d’elles. Elles mangent tout, et surtout des ordures, lèchent
les affiches publicitaires sur les murs, et dorment part terre, sur le bord, ou
en plein milieu de la route. Je suis contente qu’on ne consomme pas de viande
bovine, parce qu’avec les merdes qu’elles ingurgitent… Les indiens prennent grand
soin de leurs vaches (d’ailleurs je n’en ai pas vu une abimée par un véhicule
ou autre) et les parent de bijoux ou leur peignent les cornes aux couleurs des
dieux. A chaque fois que j'en voit, j'ai toujours un petit sourire, je les trouve si belles parées de leurs couronnes de fleurs et de leurs bracelets de cheville... En plus de ces dernières, il m’arrive souvent de croiser les biquettes,
des chats, des chiens et des singes. En parlant d’eux, un groupe de macaques s’est
installé dans les arbres devant mon balcon, et vient régulièrement me
demander à manger. Je nourris tout le monde avec joie, vous vous doutez bien !
Life is so
different on this side of the world and I cannot help but to love it with all
my heart. People are always amazed to see me walking to places, because none of
them walk; they prefer to take a cab, a rickshaw or a motorbike. My ecological
motivations are sometimes shaken, and mostly because of the absence of
pavements and the omnipresence of rubbish on the floor. Cow poo, burning
rubbishes, broken furniture, you name it… whilst walking, I make sure to look on
the floor rather than around me to check if no rusty piece of metal is piercing
my shoes! In India, it is hard to feel lonely, because you are always
surrounded by people and animals. Cows and buffalos, of course, but also many
dogs and goats. I personally have a family of rats currently living on the edge
of my bathroom window, a group of monkeys hanging out on the trees just next to
my balcony and a bloody colony of geekos all around my flat. They make weird
noises that sometimes scare me at night! Being here teaches me to be patient
and tolerant, calm and open minded. It feels good to be reminded of such
qualities.
What else ? ah, ça surprend toujours les gens
que je marche. Genre je vais à la poste à pied par exemple, et tout le monde
trouve ça fou. Il est vrai aussi qu’on est souvent regardé.e avec insistance
ici, mais je vous avoue que je ne suis pas particulièrement gênée. C’est normal
après tout, je débarque avec ma peau ni vraiment blanche et ni vraiment foncée,
mes manières d’occidentale et mon sourire béat, les gens ne peuvent qu’être
intrigués par un tel spécimen. J’ai appris un peu de tamoul, donc je baragouine
deux trois mots quand je me retrouve serrée au fond d’un tuk-tuk, et puis je me
retrouve un peu con quand on me répond et que je ne comprends pas. Dans ces cas-là
je souris, et je me dis qu’à chaque jour suffit sa peine. Aujourd’hui je sais
demander à quelqu’un comment il va et me présenter, demain je saurais écrire
des romans en tamoul !
J’ai encore tellement à vous dire, mais cet article
est déjà bien long… Je vous fais une petite liste des petites anecdotes
marrantes et on se dit bye ?
1)
Ici, je suis Classie,
ou Clarie, Clarisse a disparu.
2)
Ma douche est cassée,
du coup je me lave sous le robinet, assise sur un bébé tabouret, c’est moins
fatiguant !
3)
Il n’y a pas de clim
dans les salles de classe ou dans les bureaux. Et il fait une trentaine de degrés,
donc je sue telle une bête et je pue le chameau, mais je m’habitue.
4)
Chaque semaine je
vais à la poste, et pour coller mes timbres, j’ai à disposition un petit pot
contenant une masse informe et grise, comme une énorme crotte de nez, qui s’avère
être de la colle. Le but c’est de prendre un petit morceau, d’en faire une
boule et de l’étaler derrière les timbres. Ensuite y’a un petit chiffon qui
paie pas de mine pour s’essuyer le doigt. C'est crassou mais c'est comme ça !
5)
Les coupures
électriques sont quotidiennes et fréquentes, du coup il m’arrive trèèèèèès
souvent de me retrouver dans le noir et sans clim mais, encore une fois, c’est le jeu, alors je m’en
accommode !
Want to know some fun facts?
1) My first name
has changed from Clarisse to Classie or Clarie, and I like it.
2) Cows are
genuinely not that kind with me, like I tried to touch one last week, and she pushed me
hard like a was a some kind of rubbish on the side of the road.
3) Electric
shutdowns are an everyday detail that I do not even notice anymore. Sometimes
the aircon does not want to work after a shut down and I just have to bear it
with the fan.
4) Talking of
which… there is no AC on the campus, like, no joke, we give classes with just
fans and it is currently 34°C. Can you imagine the smell at the end of the day?
I can.
5) I looooove my
life right now and would not change it for anything, not even hot water to shower !
Ma vie ici est formidable et je n’échangerai
ma place pour rien au monde. Je
pense souvent à mes proches, mais pas au point de pleurer comme un bébé ou d’avoir envie de rentrer. Genre, pas du tout même. Ne
leur dites pas though. Je sais que ce n’est que le début et que mon avis sera
amené à changer, mais pour l’instant, je me sens tel un poisson dans l’eau, et
j’ai envie de rester ici pour toujours ! Je retrouve chaque jour un peu
plus celle que j’ai été, et que j’ai tant aimée : cette Clarisse amatrice
de merveilles, qui voit le verre complètement plein peu importe la situation et
qui adore la vie. Elle m’avait manqué, et je suis si heureuse qu’elle soit de
retour.
Keep Smiling :)
Clarisse.