Chers lecteurs,
Il y a huit mois je partais pour l’aventure la plus
complexe de ma vie. Sans dessus dessous, surmenée par les évènements de la vie,
non, en fait surmenée par la vie elle-même, je me suis envolée destination le
second plus grand pays du monde.
En arrivant le flow montréalais m’a complètement noyé ;
trop grand, trop chaud, trop vaste et trop peuplé. La campagnarde que je suis
s’est retrouvée plongée dans un monde inconnu et beaucoup trop intense à son
goût, comme dans une paire de chaussures trop grandes.
Et puis la vie, les épreuves, les rencontres, les
amitiés, les discussions, les larmes et finalement les sourires. Sans trop m’en
rendre compte, j’ai quitté mon état végétatif, mon état contemplatif et mon œil
mauvais de française qui juge, pour agir et devenir montréalaise. J’ai mangé
Montréal, j’ai bu Montréal, j’ai parlé Montréal avec Montréal, et finalement je
suis devenue Montréal. Et non plus seulement cette gamine française en échange.
Cette année j’ai appris à voir avec des yeux différents,
j’ai appris à garder mon jugement dans ma poche pour assimiler la vie à travers
mes émotions ; j’ai appris à pardonner, et à prendre du recul pour
avancer. J’ai appris à aimer, aimer la différence, aimer l’antithèse de
Clarisse. J’ai beaucoup questionné ma réflexion, et je me suis remise en
question chaque jour : penses-tu sincèrement cela ? Et pourquoi
donc ? Et si tu t’imaginais l’espace d’un instant à la place de celui d’en
face, essaie donc de percevoir les choses comme lui. Et puis tout a commencé,
j’ai commencé à changer, et d’une petite chenille je crois que je suis devenue
un papillon ; j’ai pris mon envol. Un envol par rapport à moi-même, par
rapport à tout ce que je savais, ou pensais connaitre, un envol par rapport au
regard que je portais sur autrui et surtout sur moi-même. J’ai appris à me pardonner
pour tout le mal que j’avais pu m’infliger au cours de ma courte vie ;
j’ai fait la paix avec mon corps et j’ai fait la paix avec ma tête. J’ai fait
la paix avec mon pays, j’ai fait la paix avec ceux qui me font la guerre.
Et puis j’ai aimé, ah ça oui j’ai aimé du plus profond de
mon cœur. J’ai pris le temps de contempler et d’aimer les alentours, mon
quartier, ma nouvelle ville et cette nouvelle vie qu’était la mienne, non plus
comme une gamine célibataire, mais comme une jeune femme amoureuse. Je me suis
laissée aimer, et je crois que finalement c’est ça l’élément majeur de mon
expérience canadienne ; j’ai laissé la porte ouverte pour me laisser
découvrir et apprécier à ma juste valeur. A travers les regards des uns ou des
autres je me suis finalement laisser appréhender comme une Clarisse tantôt
joyeuse, tantôt mélancolique, forte et râleuse, vulnérable et réfléchie.
Cette année j’ai vécu l’expérience la plus traumatisante
de ma vie, et pour cause, je suis partie en pensant être mature, et suis
revenue en sachant l’être devenue ; j’étais un bébé, je suis devenue une
adulte qui a su prendre le temps et le recul nécessaires pour aller bien. Et je
me suis embarquée dans l’aventure la plus difficile qu’il soit : la vie
d’adulte. J’ai grandi. J’ai grandi parce que j’ai eu peur, tellement peur que
j’ai dû me reposer sur l’homme que j’aime. La féministe militante et enragée
qui mène sa barque solo a dû se laisser porter, a dû se laisser aider. Seule je
n’étais pas capable, je n’étais plus capable. Je m’en suis voulue, et je m’en
veux encore un peu, car j’ai l’impression de m’être laissée tomber, de m’être
déçue. Et puis finalement merde, je me dois de remballer un peu mon égo, j’ai
dû le mettre dans ma poche et accepter d’avoir besoin de soutien. Personne ne
nous fait la pub de la tristesse et du mal du pays quand on nous parle de la
mobilité à l’étranger hein, personne ne nous dit qu’il est difficile de
s’adapter, et surtout personne ne nous dit que ça va bien aller et que c’est
correc’ de pas être correc’ justement. C’est
correct et normal de ne pas être aux anges dès le départ, et que le temps
d’adaptation peut être plus ou moins long. Enfin bref. Si ça se trouve je suis
la seule à avoir vécu ce décalage, dans ce cas tournez les yeux directs et
persuadez-vous donc que j’ai un grain avant de partir vivre votre propre
quotidien à un océan de chez vous.
Cette année donc, le bébé voyageur n’est pas devenu
baroudeur, aventurier ou globe-trotteur, mais autre chose ; quelque chose,
ou plutôt quelqu’un d’innommable, quelqu’un qui a expérimenté un voyage au bord
des limites, un voyage différent, un voyage brûlant et terriblement beau. Cette
année la Clarisse que j’étais n’est plus, elle a laissé place à la Clarisse d’aujourd’hui,
celle qui prend le temps et qui se laisse du temps. J’aime celle que je suis
devenue.
Je rentre heureuse et épanouie de cette aventure, sereine
aussi d’avoir vécu tout ça, et accomplie par mes changements. Je n’ai pas de
regrets, ni d’amertume car il était temps, temps pour moi de rentrer -c’était
ma décision, et j’en suis ravie- j’ai pris ce que j’avais à prendre et la suite… ?
La suite on verra bien !
Je vais bien.
Vous aussi ?
KEEP
SMILING :)
Clarisse.
Très beau billet, encore une fois.
RépondreSupprimerIl m'est arrivé le même genre de "révélation"- arriver en pensant être adulte et se rendre compte que le chemin vers la maturité est encore long - durant mon année au Québec. C'est cette quête de la connaissance de soi qui me donne soif de voyage depuis, car grâce a mes études puis a ma vie professionnelle, je vis dans un quatrième pays en quatre ans.
Si tu en as l'opportunité à l'avenir, je ne peux que t'encourager a continuer a vivre à l'étranger et à rechercher ce déracinement qui mène à l'introspection.
KZ
C'est un article très touchant que tu nous proposes, Clarisse. Et j'ai compris chaque idée, chaque sentiment que tu as voulu transmettre. Comme tu le sais, je suis aussi partie 8 mois à l'étranger (moins loin puisque c'était en Angleterre - même si, au fond, quitter sa routine et sa petite vie même sans changer de pays parfois c'est déjà "partir loin") alors oui je ne peux qu’acquiescer ta vision de la chose - pour autant, je pense qu'il m'aurait peut-être fallu plus de 8 mois pour réellement me sentir mature. Cependant, avec mon retour en France depuis un an, j'ai l'impression d'avoir reculé à pas de géant, de me sentir moins indépendante, moins "moi" (peut-être parce que je vis à nouveau chez mes parents? bien que, en soi, j'adore habiter ici). Bref ton article donne de l'espoir :)
RépondreSupprimerCécile