jeudi 8 octobre 2015

L'Ile Verte ou les retrouvailles de Clarisse



Bonjour à vous chers amis,

J’espère que tout va bien dans votre petit monde.
Je reviens aujourd’hui avec un article plutôt long (et beaucoup de photos) pour vous faire part du petit voyage à l’Ile Verte auquel j’ai participé dans le cadre d’un de mes séminaires universitaires. 

Nous avons tous embarqué vendredi matin dans différentes voitures puis roulé pendant cinq heures vers l’Est, en suivant le fleuve Saint-Laurent, en direction de la fameuse île. Sur le chemin déjà, j’avais les yeux et la bouche grands ouverts : nous voyagions au milieu d’une nature immense ; champs à perte de vue, forêts denses et colorées par les humeurs de l’automne… j’étais excitée comme les enfants avant la venue du père Noël ou comme quelqu’un qui avait définitivement besoin de vacances. Durant notre périple nous avons fait une halte au petit village côtier de Kamouraska (que j’ai appelé Karamouchka, Mouraskaka ou encore Ragamouska tout le week-end, ce qui a fait beaucoup rire mes compagnons de voyage !) qui est tout juste le paradis sur terre. Du calme, des petits bateaux, de l’air pur et frais pour remplir nos poumons et des gens au cœur en or pour réchauffer le nôtre. Que demander de mieux ? On m’aurait proposé de m’y installer, j’aurais accepté sans hésitation! 

  
Une heure plus tard environ, nôtre road-trip touchait à sa fin et nous avons retrouvé les autres pour embarquer sur le ferry. Sortie de la voiture, grosse claque de froid qui brûle le visage : on nous dit qu’il fait 10°C mais Zoé (mon acolyte française du groupe) et moi sommes persuadées qu’il ne fait pas plus de 3-4 degrés malgré le beau soleil de fin de journée ! Les sous-pulls bien rentrés dans le pantalon, une écharpe supplémentaire et le magnifique k-way rose enfilés, j’étais fin prête à monter à bord ; au fond de moi la joie est grande et je ne m’en cache pas, je souris bêtement (malgré le froid polaire) et endosse le rôle de la gamine excitée qui part en vacances. 


Le fleuve est si large, j’ai l’impression de traverser la mer et n’en reviens pas de toute cette grandeur. Et ce n’est que le début de l’émerveillement ! Une petite demi-heure de traversée plus tard, nous arrivons sur la terre ferme de l’île verte. Un petit monsieur nous embarque dans son pick-up et nous emmène jusqu’à notre destination finale. C’est drôle, je m’étais fait une toute autre idée du paradis, mais une fois sur place, pas de doute que je m’étais trompée : le paradis sur terre était bien là, étendu devant mes yeux. Un phare blanc et deux maisonnettes au bord de la terre, coincés entre le pelage vert de la forêt et la noirceur de l’eau saline et éclairés du doux soleil de fin de journée. J’en vois de toutes les couleurs et mes yeux sont remplis de larmes : ils sont mis à rude épreuve par le vent glacial et les reflets de l’astre couchant sur les montages du bout du fleuve. Le monde est devenu rose et je m’en délecte.


Nous restons dehors à grelotter jusqu’à ce que la lumière disparaisse complètement ; le spectacle est extraordinaire et il ne fait que commencer. C’était comme voir le premier acte d’une pièce qu’on adore ; on sait que la suite est encore meilleure et on attend que ça. En attendant la suite, Zoé et moi nous sommes donc couchées, après un bon repas et une fin de soirée animée par les récits de voyages de chacun, heureuses comme des reines et prêtes à passer une excellente nuit.
Le lendemain matin, pas moyen d’avoir ne serait-ce qu’une once de mauvaise humeur : le soleil baigne la maison d’une lumière forte et chaleureuse. Je me suis fait la réflexion un peu plus tard d’ailleurs : dans cet endroit vide de pollution, il semble que n’importe quel astre (soleil, lune, étoiles) brille avec plus d’ardeur et c’est tout juste fabuleux à voir. Un petit déjeuner à couper le souffle plus tard, mon amie Zoé et moi nous sommes mises en chemin et avons crapahuté sur les roches friables du bord de l’eau. Le vent soufflait et nous glaçait les oreilles, la « mer » faisait de larges remous, et rien ne troublait le calme ambiant, si ce n’est les oiseaux et divers animaux bien à l’aise dans cette nature si belle et protégée des humains.


J’ai l’impression d’avoir fonctionné au ralenti mais sans jamais m’arrêter ; c’était comme si le temps nous avait permis de nous laisser aller, comme si la journée comprenait 48h au lieu de 24. J’ai eu le sentiment de faire mille choses, de sentir et de voir une multitude d’éléments et tout cela à un rythme ultra lent. J’étais comme une tortue ; si j’y réfléchis bien je n’étais pas là pour autre chose que me ressourcer et créer (car c’est un séminaire en création littéraire que je poursuis à la fac) et les deux allant de pair, il m’était nécessaire d’adopter une cadence diminuée. J’ai cru après cette journée que j’en avais vu assez pour me sentir bien, mais la soirée m'a prouvé que j’avais tort. Le somptueux diner englouti, il était inconcevable d’aller me coucher car une soirée avec le reste de la classe commençait tout juste, arrosée par les vins internationaux que chacun avait emmenés. Vers une heure du matin, la tête un peu tournée par tout ce raisin alcoolisé, une bonne partie de la troupe a voulu aller dehors pour observer les étoiles ; je n’en avais pas plus envie que ça, surtout que j’avais passé la majeure partie de la journée à me peler les cuisses, mais j’ai fait l’effort, et heureusement !
Une fois dehors, le spectacle. La nuit était claire comme je ne l’avais jamais vue, et l’on pouvait lire le ciel comme sur une carte, constellation par constellation, chaque petit diamant brillait avec insistance sur la noirceur du toit céleste. Et là, alors que tout le monde a les yeux rivés sur la voie lactée, je me tourne du côté de l’eau sage ; juste au-dessus, il y a comme une auréole bien distincte, comme un anneau nuageux très précis qui surplombe le fleuve, immobile. Je donne un coup à Zoé : « hé regarde, c’est quoi ça ?! Ca serait pas une aurore boréale par hasard ? Non c’est plus dans le Nord non ? » ce à quoi elle ne sait me répondre car comme moi, elle n’en a jamais vu. Nous demandons aux québécois du groupe (cad à tous les autres) qui nous répondent « naaaaaan, les aurores ça bouge, et puis c’est plus vert que ça » en brisant tous nos espoirs de fillettes. Cependant, cinq minutes plus tard, tous sont chargés d’avouer que les volutes de fumées, quoique bien fades à côté de celles qu’on voit dans les reportages (et qui sont vert fluo) se mettent à onduler, et de plus en plus fort.

OH SEIGNEUR PINCEZ MOI JE SUIS EN TRAIN D’OBSERVER, QUE DIS-JE, D’ADMIRER UN AURORE BOREALE ?!!

Voilà donc la Clarisse qui saute dans tous les sens, aux bords de la crise de nerfs car un de ses plus vieux rêves est en train de se réaliser. Quelle vie ! Il est clair que j’aurais fondu en larmes devant cette extraordinarité si seulement je n’avais pas bu autant de vin au préalable !

La nuit qui s’en est suivie a été la meilleure depuis que je suis arrivée sur le continent.
La journée du lendemain s’est déroulée à peu près de la même manière : bonne humeur et bonne nourriture au rendez-vous et, pour changer de la veille, j’ai passé ma matinée en solo pour me donner la chance de réfléchir et peut-être de produire quelque chose. Pas besoin de me pencher dessus trois heures ou même d’imaginer l’angoisse de la page blanche car les mots m’ont fait m’arrêter alors que je marchais sur le sable humide. Ils venaient et embourbaient mon esprit tellement vite que j’ai dû m’asseoir pour les écrire sur mon carnet de voyage. En respirant le grand air, j’ai oublié le stress de Montréal et son emprise sur ma vie, j’ai oublié le bruit sourd de la ville pour me pencher sur le silence (qui n’en est pas un) de la nature sauvage, j’ai mis de côté tous les éléments problématiques de ma courte existence qui me paraissent insurmontables. Tout s’est évaporé et j’ai pris le temps, vous savez, celui qui me manquait tant, le temps de me recentrer, de penser à moi, à ma vie, à mon voyage ; le passé ou le futur n’ont pas fait irruption dans ce moment de calme intense car la seule chose que j’avais en tête concernait l’instant présent et ce que je percevais. Les bruits, la douceur du soleil sur mes joues, le picotement de mes yeux au contact de l’air salin, la splendeur de l’immensité : tout cela a contribué à créer cette sensation intense de plénitude en mon âme. J'ai essayé de voir les choses sous un autre angle; couchée en fœtus sur la roche nue, j'ai observé l'horizon, qui, dans cette position avait une perspective tout à fait différente: le ciel en bas, la mer en haut, les nuages vaporeux entre deux... c'était bon de ne pas respecter les règles, et de voir le monde d'un œil nouveau.

Depuis mon arrivée j’ai été incapable de me sentir bien car je ne me sentais pas tout à fait moi-même, car, dans ce nouveau monde je me sentais vide. L’inconnu était devenu vide de sens, et ma propre vie avait pris la même tournure. Durant ce premier mois, dont j’aimerais me souvenir comme celui de l’adaptation, j’ai perdu de vue la Clarisse que je connaissais, celle que j’aimais être, et celle qui voyait l’existence comme un verre à moitié plein. J’avais perdu ma plénitude, ainsi que ma plussoyance, pour ne pas citer Lewis Caroll. L’Ile Verte m’a rendu tout ça ; j’ai pris le temps de me retrouver seule, et de me repenser ; de relativiser aussi et j’ai essayé de voir les choses sous un angle nouveau. Mon Dieu que ce voyage a été significatif, mon Dieu qu’il a été bénéfique.
C’est dans des moments comme celui-ci que je me rends compte que je ne suis pas une citadine dans l’âme ; j’ai beau trouver la vie pratique dans beaucoup d’aspects, mais il m’est nécessaire, à un moment où un autre, de retrouver le calme de la campagne et de la nature pour me permettre de voir plus clair. Heureusement ici, je suis servie !


 Me voilà aujourd'hui, bel et bien de retour sur l'autre île, celle de Montréal, revenue à moi-même, en pleine forme, le cœur léger et l'esprit rempli de souvenirs colorés.

Bons baisers d'automne, prenez soin de vous et n'oubliez pas:

KEEP SMILING :)

Clarisse.

2 commentaires :

  1. Superbes photos!
    Petite correction : les apparences sont trompeuses et l'Ile Verte n'est pas plus au nord que la France et l'Europe. La ville de Québec en elle-meme étant à la même latitude que Bordeaux, l'Ile Verte est un peu plus au Sud que Paris. L'impression de luminosité vient probablement de la réflexion sur le fleuve ainsi que de l'absence de pollution lumineuse la nuit.

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  2. Hey! Merci beaucoup pour cette information :)
    Si tu regardes bien, j'ai même modifié mon propos!
    C'est vrai qu'ici, avec le froid et l'immensité j'ai vraiment l'impression d'être dans le grand Nord, mais j'ai tort au fond ^^ Merci encore pour ton œil affuté ;)

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